Fatima Haji, une des neufs acquittés. | Photo Hamad I Mohammed / Reuters
Neuf des 18 médecins bahreïnis qui étaient jugés en appel jeudi, pour leur soi-disant rôle dans le soulèvement de mars 2011, ont été acquittés. Les neuf autres ont vu leurs peines réduites. Le combat continue.
Enseignants, étudiants, athlètes, avocats… personne n’a été épargné dans le déluge d’arrestations perpétré par les autorités bahreïnies, principalement en mars 2011, au début du soulèvement populaire contre la dynastie des Khalifa, puis avant le Grand Prix de Formule 1, en avril dernier. On se souvient tout particulièrement de l’affaire des médecins bahreïnis, qui avait choqué et ému la communauté internationale dès le début. Une cinquantaine de membres du personnel de l'hôpital Salmaniya, le plus grand du pays, avait en effet été arrêtée en mars, et 20 d’entre eux avaient été condamnés, le 28 septembre à des peines allant de 5 à 15 ans de prison par un tribunal militaire -pour occupation d'hôpital, incitation à renverser la monarchie ou encore possession et stockage d'armes au centre hospitalier. Tous avaient interjeté appel, sauf Qassim Omran et Ali Al Sadadi, qui auraient fui à l’étranger selon Al Jazeera. Le procès en appel des 18 autres a eu lieu jeudi à Manama.
Bilan: neuf d’entre eux ont été acquittés: Rula Al Saffar, présidente de la Société des infirmières de Bahreïn –qui avait initialement écopé de 15 ans- mais aussi, Zahra Al Sammak, Fatima Haji, Nada Dhaif, Najah Khalil, Ahmed Omran, Mohammed Al Shehabi, Sayed Marhoon et Hassan Tooblani. Les neuf autres sont donc toujours considérés comme coupables, mais ont vu leurs peines réduites. Le plus sévèrement puni est Ali al Ekri, qui a pourtant été vu en train de faire le «V» de la victoire à la sortie du tribunal (Photo Hamad I Mohammed / Reuters). Ex-Médecin en chef du complexe médical de Salmaniya, il a été condamné à cinq ans d’emprisonnement. Les huit autres médecins ont écopé de peines allant d’un mois à trois ans de prison, toujours selon la chaîne qatarie. Cinq devraient toutefois être libérés, ayant déjà purgé leur peine en détention provisoire. L’époux de Zahra Al Sammak, Ghassan Dhaif, qui avait initialement pris 15 ans pour «incitation à la haine contre une autre communauté» et «enlèvements à des fins terroristes», a vu sa peine réduite à un an. Son oncle, Tewfik Dhaif, a dénoncé une «décision injuste». «Ils sont innocents. Ils devraient plutôt poursuivre les autorités, pas ces médecins», a-t-il réagi, interrogé par Reuters. «Ce sont les médecins d'élite dans ce pays. Nous avons 15 médecins dans ma famille, et la plupart des gens qu'ils ont soignés étaient des Al Khalifa». «La vérité c'est qu'aujourd'hui des médecins sont emprisonnés pour avoir soigné des blessés et pour avoir alerté la communauté internationale sur la répression du régime», a de son côté regretté Brian Dooley, d'Human Rights First.
Ils ont subi des tortures
Quant à Ghassan Dhaif (ci à droite en train de consoler sa femme Zahra. Photo Hamad I Mohammed / Reuters), il s’est tout de même dit satisfait des réductions de peine, bien que ce ne soit qu’un premier pas vers l’acquittement espéré. «L'exploit d'aujourd'hui est dû à la pression internationale, mais nous devons intensifier nos efforts jusqu'à ce que nous soyons débarrassés de toutes les accusations», a-t-il commenté pour Amnesty International. «J'ai fait comparaître six témoins qui nient ces allégations. Toutes les charges, et le procès lui-même, ont été politisés, et je suis puni pour avoir parlé à la presse», a-t-il ajouté. Les organisations de défense des droits de l'Homme, les Etats-Unis, l'ONU et plusieurs pays occidentaux ont appelé à plusieurs reprises à la libération de tous les prisonniers politiques à Bahreïn. Un rapport de Human Right Watch de 94 pages, intitulé No Justice in Bahrain: Unfair Trials in Military and Civilian Courts («Pas de justice à Bahreïn: Des procès injustes devant des tribunaux militaires et civils») avait ainsi décrit de graves violations des droits de l’Homme lors de nombreux procès, notamment le déni du droit des accusés de se faire assister d'un avocat et de présenter des arguments de défense. Une pression qui a malgré tout fini par porter ses fruits: le 5 octobre dernier, le procureur général Ali Al-Boainain a annoncé la tenue d'un nouveau procès devant des tribunaux civils.